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Vers une imagerie positive des Africains-es à travers l'art français fin XVIIIe - début XIXe siècle

  • Photo du rédacteur: Marine Perrone
    Marine Perrone
  • 16 nov. 2017
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 26 juin 2020


Quand on pense aux créations artistiques de la fin du dix-huitième et début du dix-neuvième siècles en France, on a en tête les peintures révolutionnaires de Jacques-Louis David et ses élèves ou plus tard les représentations de Napoléon sous l'Empire. Cependant, ceci est loin d'être l'unique sujet des œuvres imaginées à cette période.


Le contexte des Lumières et de la Révolution française avait ouvert la voie à des remise en question quant à l'ordre social et son bienfondé. Pourtant, passer instantanément de la déclaration des Droits de l'Homme en 1789 au début de l'Empire en 1804 serait oublier une période clé entre ces deux moments de l'histoire. Dans cet article nous allons nous y arrêter. Nous allons considérer, cette fois, la condition des autres peuples de notre globe. Que se passa-t-il entre 1789 et 1804 et quel impact cela eût sur l'image des Africains-es diffusée par des œuvres d'artistes européens ?


Cette période de bouleversements était caractérisée par une profonde remise en question de la hiérarchie sociale aussi bien que les privilèges divinisés prônés sous la monarchie. De telle manière, l'abolition de l'esclavage qui dura de 1794 à 1802 en fût un événement crucial, fondé dans le prolongement des Lumières et correspondant aussi aux idéaux de la révolution.

À cette période, l'art de la peinture et des gravures étaient de puissants médias de communication. Chose dont on s'aperçoit d'autant plus quand on regarde les peintures révolutionnaires et les représentations propagandistes de Napoléon par la suite.


Le choix d’ouvrir notre vision nous mène à la recentrer sur le regard de certains artiste européen (ou parfois de leurs commanditaires) dans la représentation des personnes de couleur.


L'abolition de l'esclavage n'avait pas été un acquis tombé du ciel et, dans le portait de Jean-Baptiste Belley peint par Girodet (ci-dessous), deux personnage clé de cet avancement pour l'humanité sont présentés côte à côte.


Anne-Louis Girodet, Jean-Baptiste Belley, c.1797, oil on canvas, 159 x 113 cm, Versailles, Musée national du Château de Versailles.

Anne-Louis Girodet, Jean-Baptiste Belley, c.1797, 159 x 113 cm, huile sur toile, Versailles, Musée national du Château de Versailles.



Nous y voyons Jean-Baptiste Belley (1746-1805) appuyé contre le buste en marbre de Guillaume-Thomas Raynal (1713–1796), deux hommes qui furent impliqué dans la lutte contre l'esclavage. Notamment Belley, qui après un tumultueux voyage de Saint-Domingue à Paris, avait contribué en personne à la décision du Conseil quant à l'abolition de l'esclavage dans les colonies, qui fût concrétisée en 1794. En relevant la force des colonies comme alliés face aux contre-révolutionnaires, il avait suscité un grand engouement en 1793.


Mais revenons un instant à sa vie. Belley avait été soumis à l'esclavage et emporté de sa native Gorée (Sénégal) vers Saint-Domingue à seulement deux ans. Après de durs labeurs, il avait finalement gagné sa liberté et s’était engagé dans l'armée française. Plus tard, il serait devenu député de Saint-Domingue. Sur cette toile, c'est en habits de membre de la convention qu'il est dépeint, avec la fierté et la prestance propre aux politiciens de l'époque. Ce que cette toile exprime est un nouveau statut pour les gens de couleurs. Elle devait aussi être, par l'illustration avantageuse du personnage principal ainsi que par son histoire, créatrice de considérations positives de l'autre ou de son groupe d'appartenance selon l'origine du spectateur (Européen-e ou Africain-e).


Six ans après le décret condamnant l'esclavage, les hommes et les femmes de couleurs, résidant en France ou dans ses colonies, étaient donc sujet à devenir citoyens et citoyennes français-es. C'est dans cet esthétique d'égalité et de liberté que Marie-Guilhelmine Benoist représenta la femme africaine dans son tableau Portrait d’une Négresse ( ci-dessous).


Marie-Guihelmine Benoist, Portrait d’une Négresse, Salon, 1800, 81 x 65 cm, huile sur toile, Paris, Musée national du Louvre.

Marie-Guihelmine Benoist, Portrait d’une Négresse, Salon, 1800, 81 x 65 cm, huile sur toile, Paris, Musée national du Louvre.



Cette fois, le portait est celui d'une anonyme. Selon Hugh Honour, elle devait avoir été une servante qui serait venue des Antilles et aurait travaillé pour le frère de l'artiste. Cependant, toute trace de servitudes est inexistante dans la peinture. La jeune femme regarde le spectateur droit dans les yeux, avec confiance en elle telle une égale. C'est une citoyenne française noble et chaleureuse à la fois.


Un interlude dans l'histoire de l'esclavage est palpable à travers le pinceau des artistes évoqués. Ces images qu'ils avaient tous deux exposés au Salon, croisèrent beaucoup de regards plus ou moins approbateurs certes, mais pas moins touchés par cette représentation positive et valorisante de l'"autre".

Pourtant, en 1802 l'esclavage serait restauré. Cela n’empêche que les traces de ce bref avant goût d'égalité aura remodelé le regard futur sur les personnes de couleur.


Par la suite, dans le contexte précis de la boxe, comme nous pouvons le constater à travers la lithographie de Théodore Géricault intitulé Boxers (ci-dessous), un équilibre persisterait, dépassant les différences de couleurs de peau.


Théodore Géricault, Boxers, 1818, 352 x 416 mm, lithographie.

Théodore Géricault, Boxers, 1818, 352 x 416 mm, lithographie.



Cette image datant de 1818, présente un sport provenant d’Angleterre et introduit en France pendant la Restauration (1814-1815) ; la boxe. Géricault produisait de multiples croquis en fréquentant les cercles de boxeurs. Dans ces derniers on pouvait souvent voir deux homme blancs qui combattaient. Pourtant, dans cette image ce n'est pas le cas. En fait, Il est probable que l'idée d'intégrer un homme de couleur fusse provenue d'images qu'il aurait aperçu, représentant le match de Molineaux et Cribb en Angleterre. Il l'aurait ainsi adapté dans cette lithographie, n'ayant jamais été lui-même en Angleterre à cette époque. Les raisons de ce choix de personnages étaient mixtes.


D'un côté, la mixité des couleurs de peau avait comme impact de donner à l'illustration un effet artistique dramatique et éloigné des classiques. De l'autre, comme le relève Hugh Honour, l'image reflète aussi un parti pris par l'artiste pour l'égalité et les droits de l'Homme et aurait donc des implications sociales voir politiques. En effet, quand on repense au caractère dénonciateur du Radeau de la Méduse qui a été peint par ce même artiste et à la même période, cela n'aurait rien d'étonnant. D'autant plus que l'homme au sommet du radeau en question se trouve aussi être de couleur. Le ring se présente donc ici comme un lieu où l'égalité est incluse. Regardez comme ces deux hommes se ressemblent, ils ont la même posture, la même force et les mêmes chances de gagner.


Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse, 1818-1819, 491 × 716 cm, huile sur toile, Paris, Musée du Louvre

Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse, 1818-1819, 491 × 716 cm, huile sur toile, Paris, Musée du Louvre.



Ainsi malgré la restauration de l'esclavage, on voit en 1818 à quel point la conception de l'"autre" fait son chemin vers la voie de l'égalité. Parce que s'il s'agit dans cette image d'un contexte particulier, c'est le sentiment d'égalité qu'elle produit qui sera réceptionné par le spectateur. Il aura cependant fallu attendre le début du vingtième siècle pour que l'interdiction de l'esclavage soit généralisée.


Evidemment, ces images ne sont pas les seules diffusées à l'époque et les avis quant à la condition des personnes de couleurs restaient fortement mitigés. Ceci dans un langage visuel qui était souvent, encore tristement empreint de forte discrimination. Pourtant, partant du principe que les images marquent les esprits, ici se dessinait, à travers ces trois images et d'autres, une représentation positive des Africains et des Africaines. Et par là même, un schéma mental prenait forme chez l'observateur, récepteur d'un message qui contribuerait à considérer l'"autre" comme un égal. Ce nouveau regard serait ainsi, selon moi, profondément antiraciste.



Marine Perrone, 16.11.2017




Bibliographie

Bonnett, Alastair. Anti-racism. London and New-York: Routledge, 2000.

Honour, Hugh. The image of the black in western art IV part I and II: From The American Revolution to World War I. Cambridge, Massachusetts and London: Harvard University Press, 1989.

Miles, Robert. Racism. London: Routledge, 1989.

O’Hara, Kieron. The Enlightenment : A Beginner’s Guide. Oxford: Oneworld, 2010.

Sources des images

Anne-Louis Girodet, Jean-Baptiste Belley, c.1797, huile sur toile. https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/13/Anne-Louis_Girodet_De_Roucy-Trioson_-_Portrait_of_J._B._Belley%2C_Deputy_for_Saint-Domingue_-_WGA09508.jpg

Marie-Guihelmine Benoist, Portrait d’une Négresse, Salon, 1800, huile sur toile. https://sites.google.com/site/leshistoiresdetontonwaltz/_/rsrc/1448296124288/histoire-4eme/portrait-d-une-negresse/portrait%20n%C3%A9gresse.png

Théodore Géricault, Boxers, 1818, lithographie. https://d32dm0rphc51dk.cloudfront.net/sEi-_dfVx-NcCNEMeyGpFQ/larger.jpg

Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse, 1818-1819, huile sur toile.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/15/JEAN_LOUIS_TH%C3%89ODORE_G%C3%89RICAULT_-_La_Balsa_de_la_Medusa_%28Museo_del_Louvre%2C_1818-19%29.jpg/1200px-JEAN_LOUIS_TH%C3%89ODORE_G%C3%89RICAULT_-_La_Balsa_de_la_Medusa_%28Museo_del_Louvre%2C_1818-19%29.jpg

 
 
 

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